| Version du 26/10/2002 par Barbara Chasse, sous la direction de Jean-Claude Maes Barbara Chasse est psychologue, et auteur d’un mémoire intitulé : "Ex-adeptes de sectes : naïveté abusée ou besoin réalisé". Nous lui devons une partie importante du travail réalisé sur cette première recherche, et de sa finalisation. Jean-Claude Maes est psychologue, psychothérapeute familial systémique et président de SOS-Sectes. Il est à la fois directeur de cette recherche et co-auteur de cet article, édité par les Cahiers de la Santé n°16 (voir "Publications"). Les intervenants en santé mentale peuvent potentiellement rencontrer dans leur pratique professionnelle des ex-adeptes de mouvements sectaires et ce dans un contexte victimologique. Aussi, l’étude du profil de l’ex-adepte semble pertinente. Elle peut déboucher sur un ensemble d’observations significatives permettant d’élaborer des outils de suivi psychothérapeutique de l’ex-adepte. Mieux connaître l’ex-adepte pour mieux l’aider. 1.
Méthodologie Après avoir recueilli des informations d’ordre anamnestique, notre démarche clinique nous a amené à utiliser les tests de personnalité projectifs : le Rorschach et le T.A.T. Nous n’avons hélas pas pu réunir des protocoles complets pour un échantillon de plus de 25 ex-adeptes. C’est néanmoins assez pour dégager quelques chiffres statistiquement significatifs. Le
Rorschach, du nom de son auteur, se compose de 10 planches sur lesquelles on
trouve des taches d’encre colorées et/ou en noir et blanc. Le Rorschach
permet de faire une hypothèse quant à la structure de personnalité du sujet
et en particulier à la structuration de son identité. Les stimuli non structurés
que sont les planches du Rorschach vont permettre au sujet de se laisser aller
à sa vie fantasmatique et au clinicien d’observer dans quelle mesure le sujet
récupère cette régression par des processus secondaires. Ou, vulgarisé :
dans quelle mesure le sujet arrive à "lier" ses fantasmes à une
quelconque réalité. En effet, avec le Rorschach, on demande au sujet de
construire une structure, de donner un sens à un stimulus qui n’en a pas.
Aussi cette situation de testing est une situation angoissante qui va permettre
de cerner l’angoisse "organisatrice" de la personnalité du
sujet ainsi que ses modes défensifs face à elle, témoins de son
fonctionnement intrapsychique. Le Rorschach permet donc d’évaluer la qualité
de la structuration de l’identité du sujet et de ses assises narcissiques. Le
T.A.T. (Thematic Aperception Test) se compose de planches sur lesquelles
apparaissent des images avec personnages et décors. Plus structuré que le
Rorschach, il donne accès, à travers les récits élaborés par le sujet, à
ses conflits, ses motivations, à la façon dont il vit sa relation aux
autres… Par exemple, le contenu latent des planches faisant référence au
contenu oedipien va permettre au sujet de mettre en drame les conflits
intrapsychiques qui l’habitent. Le T.A.T. permet d’évaluer les capacités
de fantasmatisation et de contrôle du sujet ainsi que la nature de ses conflits
internes. Les récits élaborés ne renvoient pas à la réalité "factuelle"
mais au vécu du sujet. Le
T.A.T. renseigne davantage sur les relations d’objet, le Rorschach sur la
structuration de la personnalité. Ces deux tests projectifs sont donc complémentaires. Notre échantillon se compose de 13 femmes et 12 hommes entre 24 et 50 ans. Les sectes dont ils sont issus sont religieuses pour 15 d’entre eux, guérisseuses pour 4 d’entre eux et psychothérapeutiques pour 5 d’entre eux. Nous avons pris le parti de ne citer aucun nom de groupe, mais nous pouvons préciser que ceux que nous avons pris en compte sont repris systématiquement par toutes les "listes" de sectes que nous connaissions. D’aucuns trouveront que ce n’est pas une preuve de sectarisme, mais c’est la meilleure que nous puissions proposer dans l’état actuel de définition légale du phénomène sectaire. Le mode de vie qui a été le leur durant le temps de leur adhésion (variant de 1 à plus de 10 ans) est directement fonction du type de secte. Aux sectes religieuses correspond un mode de vie solitaire ou familial (seul, avec des parents, avec un conjoint et/ ou des enfants), parfois avec une "fratrie" sectaire (c’est-à-dire deux ou trois autres adeptes du même âge), aux sectes guérisseuses un mode de vie familial, et aux sectes psychothérapeutiques, un mode de vie communautaire. Signalons que cette répartition pourrait bien être due aux particularités des sectes de notre échantillon davantage qu’à leur type. La passation du Rorschach et du T.A.T. par ces ex-adeptes nous a permis de mettre en évidence un certain nombre de caractéristiques communes, dressant ainsi une forme de profil théorique de l’ex-adepte. Les variables dont il sera question dans ce rapport ont été retenues soit parce que l’analyse des fréquences nous révélait un coefficient de dispersion significatif de la distribution ou des croisements , soit parce que les moyennes observées au psychogramme étaient très inférieures ou très supérieures aux normes fixées par l’étalonnage des tests, soit parce qu’elles se détachaient en terme d’analyse de contenus et de thèmes (imago paternelle, imago maternelle, chocs, etc.). Ces variables, en outre, ont été croisées avec des informations d’ordre anamnestique comme le type de sectes, le mode de vie, etc. Les coefficients de dispersion ont été calculés avec le test du chi carré de Pearson. 2. Analyse des psychogrammes Un premier indice fréquemment supérieur à la moyenne, le G%, qui est le pourcentage de réponses globales, c’est-à-dire portant sur l’ensemble de la tache, nous renseigne sur les modes d’approche du sujet face à une situation nouvelle parallèlement au type de fonctionnement cognitif. Le G% élevé tend à montrer que les ex-adeptes présenteraient une intelligence théorique, abstraite, créatrice plus que pratique et reproductrice. Les ex-adeptes présenteraient des capacités de synthèse, d’abstraction et de syncrétisme. Cependant, le G% élevé montre également la tendance du sujet à se réfugier dans des généralités peu compromettantes afin de ne pas s’impliquer dans une démarche approfondie et témoigne en conséquence d’une attitude défensive. Cet indice pourrait aussi mettre en évidence les dispositions ambitieuses du sujet, un niveau d’aspiration élevé qui pourrait être mis en parallèle avec le caractère souvent idéaliste des adeptes. Globalement, cet indice recoupe l’observation chez les adeptes d’un haut niveau d’idéalisation. Il témoigne par ailleurs de l’identité relativement stable des ex-adeptes évoluant dans un environnement qu’ils reconnaissent comme une réalité différente d’eux-mêmes (différenciation moi/ non moi, référence à un objet total). Le G% est également un indice d’oralité. Deux
autres indices, à savoir le F%, qui est le pourcentage de réponses formelles,
c’est-à-dire déterminées par la forme du stimulus visuel, et le F+%, qui
est, lui, le pourcentage de réponses formelles de bonne qualité, c’est-à-dire
de réponses formelles correspondant à "des réponses relativement
courantes données par une population de référence (…) du fait de la prégnance
d’un engramme et de la proximité du contenu qu’il induit avec certaines
figures" (Chabert, 1983), sont intéressants par leur insuffisance par
rapport à la moyenne : 15 sujets sur 25 ont un F% inférieur à la moyenne
et 16 sujets sur 25, un F+% inférieur à la moyenne (p. très significatif =
0.002). Les protocoles des ex-adeptes présentent de "mauvaises" réponses
formelles. Par exemple Josiane à la planche 2 : "une fausse couche",
Edouard à la planche 3 : "l’intérieur de la gorge quand on
l’ouvre". Ces réponses pourraient témoigner de l’existence de
failles dans la capacité des sujets à se diriger dans la vie, à s’adapter
à la réalité externe grâce à l’activité régulatrice de la raison et de
la pensée. Il semblerait que les ex-adeptes aient des difficultés à appréhender
la réalité en restant dégagés des implications fantasmatiques et émotionnelles
de celle-ci. Face à une situation nouvelle, la subjectivité primerait sur le
contrôle rationnel et provoquerait un débordement des affects témoignant de
l’échec des défenses. Ces indices sont aussi le témoin du degré de réussite
du sujet dans ses démarches relationnelles et de son insertion socialisante. Si
les ex-adeptes sont tout à fait en contact avec la réalité (à une ou deux
exceptions près, l’imaginaire et le réel sont bien différenciés), il
semble qu’on puisse parler d’un pseudo-bon contact social de par l’échec
de leur contrôle émotionnel et leur suggestibilité sans doute témoins
d’une certaine immaturité affective. Aussi, on pourrait se poser la question
suivante : les ex-adeptes n’ont-ils pas eu besoin d’un cadre comme la secte,
qui n’a pas seulement agi sur le prosaïque et le concret mais aussi et
surtout sur les affects et les émotions, pour les aider dans la gestion de leur
vie affective et pulsionnelle ? La secte n’a-t-elle pas pu être, d’une
certaine façon, un contenant des débordements affectifs, un pare-excitation
comparable à une bonne-mère ? En fait, ces indices pourraient
également être une conséquence traumatique du vécu en secte, le traumatisme
pouvant être compris comme une trouée dans le Moi-peau. C’est aussi ce que
suggère l’analyse des anamnèses. L’analyse des types de résonance intime (TRI), indices indiquant comment le sujet contrôle sa vie pulsionnelle, à savoir l’attitude fondamentale de sa personnalité envers lui-même et le monde extérieur, s’avère intéressante : 12 sujets présentent un TRI 1 (rapport entre le nombre de réponses K, de grandes kinesthésies, c’est-à-dire de mouvements humains perçus par le sujet, et le nombre de réponses C, c’est-à-dire déterminées par la couleur du stimulus) extratensif (K < C, avec un p. très significatif = 0.000) et 14 sujets présentent un TRI 2 (rapport entre le nombre de réponses k, de petites kinesthésies, c’est-à-dire de mouvements d’animaux, d’objets ou de parties de corps perçus par le sujet, et le nombre de réponses E, c’est-à-dire déterminées par l’aspect estompé du stimulus) introversif (k > E, avec un p. très significatif = 0.006). Le TRI 1 est assez proche des caractéristiques évoquées auparavant c’est-à-dire l’émotivité, l’instabilité, le manque de recul dans l’appréciation de la réalité objective, traits plutôt hystériques et de l’ordre de l’oralité. Le TRI 2 se caractérise plutôt par l’introversion et le contrôle, traits plutôt obsessionnels et de l’ordre de l’analité. Cette divergence des TRI pour une majorité des sujets de l’échantillon (14/25, soit un p. suffisant = 0.054), conduit à deux hypothèses principales. La première s’articule autour de l’idée de crise, de changement voire d’immaturité dans la personnalité de l’ex-adepte qui n’assumerait pas toujours ses tendances profondes. La seconde s’articule plutôt autour du concept de clivage, concept éclairant en matière de sectarisme. Le clivage est la coexistence au sein du Moi de deux jugements contradictoires relatifs à la réalité extérieure. Il est clair qu’une interprétation au cas par cas serait plus pertinente à une vue d’ensemble. Toutefois, en en discutant en équipe, nous pensons que la seconde hypothèse n’est pas dénuée de sens. En effet, la secte favorise le clivage en scindant la réalité en un bon objet c’est-à-dire elle-même et un mauvais objet c’est-à-dire le reste de la société dangereuse et nuisible parce que différente d’elle. Les deux hypothèses ne sont pas incompatibles. Notons encore que l’inversion des TRI apparaît davantage chez les ex-adeptes ayant appartenu à une secte religieuse ou psychothérapeutique :
Le chi carré de Pearson égale 12,774 avec 6 degrés
de liberté, et un p. significatif de 0,047 Pour
essayer de comprendre ces indices, nous allons reprendre les croisements de la
variable "Secte" avec les TRI 1 et 2 :
Pour le TRI 1, le chi carré de Pearson égale 8,992
Pour le TRI 2, le chi carré de Pearson égale 14,569 avec 9 degrés
de liberté, et un p. significatif de 0,024 Considérant
que le deuxième seul est significatif, nous retiendrons que les ex-adeptes des
sectes religieuses sont nombreux à présenter un TRI 1 extraversif et un TRI 2
introtensif. Pour nous faire une idée plus précise encore, croisons la
variable "Secte" avec le diagnostic. Précisons qu’il ne
s’agit pas d’un diagnostic psychopathologique, mais d’un diagnostic de
personnalité. "H.", par exemple, renvoie à un diagnostic de
personnalité hystérique, qu’il ne faut pas confondre avec un diagnostic
d’hystérie, sauf s’il est accompagné d’un tableau symptomatologique.
Dans ce cas, on dira que le sujet, de structure hystérique, a subi une "décompensation"
pathologique et a développé des symptômes typiques de sa structure. Il va de
soi qu’il ne faut pas non plus entendre le terme d’hystérie, ni aucun des
termes qui suivent, dans leur sens populaire : ce sont des termes techniques. Ce
n’est pas toujours le cas. "H. N." renvoie à un diagnostic de
personnalité difficile à poser du fait qu’il se réfère à une théorie
originale des maladies du narcissisme (celle de Kernberg, 1975), qui distingue
la personnalité hystérique narcissique (H. N.) et la personnalité narcissique
des états-limites (E. L.). "H. P." renvoie aux personnalités
hystéro-phobiques, et "O." aux personnalités obsessionnelles.
Le chi carré de Pearson égale 11,421 avec 12 degrés de liberté, et un
p. non significatif de 0,493 On
voit que les sectes religieuses présentent de nombreux "obsessionnels"
et "hystéro-phobiques". Encore que ce dernier tableau ne présente
pas une dispersion significative, on pourrait se demander si l’inversion des
TRI (qui nous intriguait plus haut) ne va pas dans le sens d’une perte, dans
les sectes religieuses, de contrôle des affects (TRI 1), chez des sujets qui en
exercent normalement un (TRI 2). Effectivement, les diagnostics "obsessionnel"
et "phobique" supposent chez le sujet un plus grand contrôle que
le diagnostic "hystérique", ne serait-ce que parce qu’ils
impliquent des rituels de défense contre l’angoisse (obsessionnels pour
l’un, contraphobiques pour l’autre). Il est clair que le signifiant
religieux devrait normalement être de nature à aider au contrôle (et donc
attirer des personnalités qui ont ce besoin), et que par ailleurs les sectes
(religieuses ou non) contrôlent le sujet plus qu’elles ne lui donneraient la
possibilité de se contrôler lui-même. De fait, la littérature sur le phénomène
sectaire nous apprend que les rituels sectaires, tout en promettant, sous des
formes diverses, un meilleur contrôle des affects, sont en réalité de nature
à provoquer des décharges d’affects justement incontrôlées. L’analyse
que nous venons de développer sur l’inversion des TRI montre bien comment un
croisement à la dispersion significative appelle, pour être interprété, une
série de vérifications et de recoupements. Nous avons fait ce travail assez
systématiquement, mais il serait fastidieux pour le lecteur que nous en
donnions chaque fois le détail. Ce qui précède était un exemple, et nous
nous contenterons, par la suite, d’aller directement au résultat. Un
dernier indice indique que 14 sujets sur 25 sont plus angoissés que la normale.
Aussi se pose la question suivante : l’angoisse observée est-elle une
cause ou une conséquence de l’adhésion à la secte ? Dans la première
hypothèse, cela signifierait que les futurs adeptes espèrent trouver dans la
secte une protection contre leur angoisse. Dans la seconde hypothèse, il
faudrait voir dans l’angoisse des ex-adeptes (ce que sont nos sujets) un symptôme
de stress post-traumatique. Signalons au passage que la plupart des théoriciens
du traumatisme relèvent le développement de mécanismes de clivage chez toutes
les victimes, même chez les névrosés qui n’y sont pas, à priori, prédisposés.
La présence de clivages dans nos protocoles essentiellement névrotiques
pourraient donc plaider en faveur de la seconde hypothèse. 3. Quelques données
anamnestiques intéressantes
Age d’entrée en secte : 9 adeptes sur les 25 de l’échantillon
ont adhéré à la secte entre 18 et 25 ans, période significative du passage
de l’adolescence à l’âge adulte. Hypothèse : l’ex-adepte a-t-il eu
besoin d’un cadre, d’une enveloppe protectrice telle que la secte pour
franchir cette étape qui a pu se révéler difficile et angoissante ?
Situation conjugale : 12 ex-adeptes sur les 25 étaient célibataires
(p. significatif = 0.009) au moment de leur adhésion. Hypothèse : ce
statut a-t-il contribué à l’adhésion ?
Education religieuse : 17 ex-adeptes ont reçu une éducation
religieuse (de "moyen" à "tout à fait"). Hypothèse :
cet antécédent a-t-il favorisé l’entrée dans un groupe qui utilise à ses
propres fins des concepts religieux (par une sorte de fidélité au passé) ?
Pudeur émotionnelle : Il existait une pudeur émotionnelle dans la
famille d’origine de 13 ex-adeptes sur les 25, et ceci particulièrement chez
ceux qui ont reçu une éducation religieuse.
Le
chi carré de Pearson égale 24,722 Hypothèse :
Cette non-expression familiale des affects a-t-elle pu susciter la recherche
d’émotions en groupe ?
Deuil récent : 20 ex-adeptes ont vécu un an maximum avant leur adhésion
un décès ou un deuil symbolique (problèmes de santé, difficultés
professionnelles ou dans le cursus des études, souffrance conjugale, souffrance
dans la famille d’origine, manque existentiel, spirituel ou vis-à-vis de la
société). Hypothèse : ces deuils justifient-ils une plus grande réceptivité
aux inductions sectaires ? C’est en tout cas une hypothèse fréquente
dans la littérature sur le phénomène sectaire, qui parle, entre autres, de
changement de statut social. Pour anecdote : une des sectes reprise par
notre échantillon a l’habitude d’éplucher les rubriques nécrologiques de
façon à proposer un réconfort moral à des sujets endeuillés.
Besoin religieux : La présente variable a été construite à
partir de la réflexion de Vergote (1966, pp. 35-109). Tâchant de définir ce que
pourrait être le besoin religieux, il commence par se pencher sur la figure du
suppliant, dans un chapitre qu’il intitule, de façon très parlante : "Le désir aux prises avec l’impuissance" (p. 45). Dans ce cas
de figure, le croyant serait motivé par sa détresse. Ensuite, Vergote se
penche sur la dimension éthique de la question, d’abord au niveau social : "elle (la religion) unit les hommes sur la base d’un système
d’orientation qui interprète la réalité (...) et elle contribue au bon
fonctionnement de la société" (p. 75), ensuite au niveau individuel : "la formation morale se fait par l’intériorisation des normes"
(p. 81). Du premier, nous dirons, en nous référant à l’éthymologie du mot "religion", qu’il est besoin d’être relié aux autres hommes,
et du second (individuel), qu’il relève de l’action du surmoi.
Nous observons que 11 ex-adeptes sur les 25 (p. suffisant = 0.077) se sont
dirigés vers la secte dans une sorte de mouvement compensatoire face à un
sentiment de détresse, et plus particulièrement les ex-adeptes pour lesquels
ont été posés les diagnostics d’hystérie (5/6) et d’état limite (3/3) :
Le
chi carré de Pearson égale 19,696 On
observe également une corrélation entre ce besoin religieux et l’existence
d’une pudeur émotionnelle dans la famille d’origine, surtout si ce besoin
est du type déjà décrit :
Le
chi carré de Pearson égale 13,27 On
pourrait poser l’hypothèse que la pudeur émotionnelle rend la gestion du
sentiment de détresse plus difficile. Dans de tels cas, l’expression de
croyances viendrait sans doute remplacer l’expression d’émotions. Comme un
moyen de contrôle sur celles-ci. Ce serait d’autant plus vraisemblable que
les personnalités hystériques et les états limites sont les personnalités
les moins auto-contrôlées de notre échantillon. On notera encore que 7 sujets
sur 25 quand même se sont tournés vers le groupe sectaire en attente de réponses
à des questions d’ordre existentiel et métaphysique, par lesquelles ils se
situent dans l’existence, ils sont reliés :
Le
chi carré de Pearson égale 11,680 Pour
ce que nous en savons, la plupart des théoriciens de la psychologie religieuse
seraient d’accord pour affirmer que ces 7 sujets ont une démarche plus
authentiquement religieuse que les autres. Quoi qu’il en soit, on en retiendra
que la captation sectaire n’empêche pas toujours une telle démarche. Notons
enfin qu’on aurait pu croire que le besoin religieux allait nous renvoyer de
façon significative vers les sectes religieuses, et qu’à l’analyse de la
cinquième colonne du tableau ci-dessus ("Aucun besoin religieux"),
on s’aperçoit que ce n’est pas le cas. Non seulement un certain nombre de
nos sujets ont appartenu à des sectes religieuses alors qu’ils n’avaient
aucun besoin religieux, mais on trouve même un sujet qui, poussé par un besoin
religieux, s’est néanmoins dirigé vers une secte psychothérapeutique.
Hypothèse : le besoin religieux serait en fait un besoin de transcendance,
auquel une psychothérapie est également capable de répondre. 4. Contenus et thèmes En
termes de contenus, on peut entre autres s’attarder sur la construction de
l’identité, l’imago maternelle et paternelle, c’est-à-dire la représentation
fantasmatique que les sujets ont de leur mère et père et/ ou de la représentation
fantasmatique de la relation qu’ils ont ou qu’ils ont eu avec eux, la
question des pulsions et de la libido, le dépassement de la
position dépressive
et du complexe d’Œdipe. Identité La
planche III du Rorschach renseigne le psychologue sur l’unité du Moi ainsi
que sur l’intégration d’une identification sexuelle claire. Or, 22 sujets
sur 25 (p. très significatif = 0.000) donnent à cette planche une représentation
humaine entière (proposer, à cette planche, une représentation humaine
partielle, un morceau de corps plutôt qu’un corps entier, peut être
l’indice d’un Moi morcelé, d’une représentation de soi-même qui ne
constitue pas une unité mais une espèce de patchwork psychique). Par contre,
seulement 13 sur 25 lui donnent une identité sexuelle claire. Par ailleurs, 12
sujets donnent des réponses neutres telles que "deux personnes, deux
silhouettes de personnes, deux personnages…". La
planche V du Rorschach témoigne de l’identité psychique du sujet. Ce qui est
en jeu ici n’est plus seulement l’unité du Moi mais tout à la fois le
sentiment d’appartenir au genre humain, d’être différents des autres et
d’être identique à soi-même à travers le temps. Or, 7 sujets sur 25 (p.
suffisant = 0.072) donnent à cette planche des réponses témoignant d’une
image de soi stable. L’identité psychique est intégrée (ex : "papillon,
chauve-souris…"). Les 8 sujets qui restent donnent des réponses révélant
des failles narcissiques, témoins d’une identité en danger (ex : "quelqu’un qui attend sa proie, deux femmes blessées…"). Dans
l’ensemble, les ex-adeptes rencontrés présentent une certaine unité du Moi,
une identité psychique bien intégrée (nous avons d’ailleurs déjà vu
qu’ils sont, très majoritairement, névrotiques). Mais pour certains, la
question du choix identificatoire reste problématique. La secte, "grand-tout
asexué" qui nie la différence des sexes, a sans doute permis le
refoulement de toute problématique sexuelle. Ou la corrélation va-t-elle dans
l’autre sens ? En tout cas, toutes les observations cliniques vont dans
le sens d’une problématique plus narcissique (liée au Moi) que libidinale
(liée aux objets, à l’investissement de ceux-ci par le sujet). Ceci même
chez des sujets qui présentent un excellente unité du Moi.
Imago maternelle Au
Rorschach, les planches maternelles sont souvent aimées (8 sujets choisissent
la planche VII ou IX comme planche préférée) alors que de manière
inconsciente, elles suscitent souvent des chocs (planche VII : 7/25,
planche IX : 9/25) ce qui pourrait signifier que pour un certain nombre de
sujets, la relation à l’imago maternelle est ambiguë. En
regroupant les réponses aux planches maternelles pour les deux tests, nous
avons mis en évidence trois catégories de représentations. La
première catégorie s’articule autour de l’idée d’agressivité de
l’imago maternelle ou dans la relation avec l’imago, agressivité qui, dans
certains cas, peut aller jusqu’à l’agression. Voici quelques exemples :
-
Lieve à la planche VII du Rorschach :
"Quelque chose de méchant, des visages, je vais pas dire des
diables car c’est un peu drôle mais des visages méchants" ; -
Vincent à la planche VII du Rorschach : "Deux têtes penchées
comme si elles soutenaient un fronton, en train de rire méchamment, avec la
bouche ouverte, les dents…" ; -
Tina à la planche 5 du T.A.T. :
"A l’époque de la Comtesse de Ségur. Le bon petit diable qui a fait
une connerie. Sa tante ou sa belle-mère vient voir ce qu’il fait…" ; -
Edouard à la planche 6BM du T.A.T. : "C’est une discussion, le
fils et la maman. Très tracassé en tous cas, le fils, et la mère qui n’a
pas l’air de fort l’écouter, qui fait la sourde oreille.". Cette première catégorie est la plus représentée (12 sujets). La
seconde catégorie (7/25) s’articule autour de l’idée de régression
symbolisée par exemple par des réponses "chrysalide" ou "embryons
humains" qui témoigneraient d’un désir du sujet de retrouver la bonne
mère couvante de l’enfance. La régression peut aussi avoir une connotation
plus magique symbolisée par des réponses "fées" ou "Merlin
l’enchanteur", "un calice, un sacré Graal" qui
pourraient alors témoigner d’un désir de retrouver une mère toute-puissante
même si ces réponses gardent un côté très infantile. La
troisième catégorie s’articule quant à elle autour de l’idée d’un
manque de limites symbolisée par des réponses fusionnelles ou par des réponses
dans lesquelles apparaissent une mère intrusive ou des contenus trop sexualisés.
Exemples : -
Pascale à la planche VII du Rorschach : "Deux éléphants qui sont
soudés par le bas et donc le cordon serait impossible à couper" et à
la planche IX du Rorschach : "Des couilles… une femme grosse avec
les jambes écartées. La représentation du plaisir qu’elle a éprouvé en
faisant l’amour." -
Béatrice à la planche 5 du T.A.T. : "Une qui aurait entendu du
bruit, un soir, dormait, aurait été réveillée par un bruit, vient voir ce
qui se passe. Ca a l’ait d’être une chambre d’adulte, ce serait peut-être
sa maman ou son papa… je ne saurais pas dire si tout se passe bien parce
qu’on ne voit rien.". Cette
catégorie est la moins représentée (6 sujets). La
fréquence des chocs et des contenus angoissants nous amène à nous demander
s’il n’y a pas quelque chose de la secte, secte-mère par ailleurs, qui est
passé dans l’imago maternelle. Ceci nous conduirait à faire un second parallélisme
entre l’adhésion à la secte et une expérience traumatique. On peut aussi se
demander si ces représentations angoissantes de l’imago maternelle n’ont
pas contribué à créer le besoin de retrouver une mère suffisamment bonne à
travers la secte, ce qu’elle a représenté dans un premier temps pour ensuite
devenir source d’agression, mettant alors en évidence une forme de
reproduction, de répétition d’une relation à la mère au sens large.
Imago paternelle Le plus souvent, l’imago paternelle au Rorschach est soit puissante (8/25) soit effrayante (9/25). En voici quelques exemples : -
Josiane : "Quelle horreur… un dragon méchant qui est prêt à
sauter, quelqu’un qui veille, qui attend le moment propice pour vous sauter
dessus." ; -
Lieve : "Une sorte de bête, je la vois arriver vers moi. Un grand
personnage velu, de grandes chaussures, de grands pieds…" ; -
Etienne : "Quelque chose d’immense, un genre de monstre mais pas
spécialement mauvais mais imposant.". En
plus de cela, la planche paternelle produit parfois des chocs (8/25) et est le
plus fréquemment la planche la moins aimée (9/25). Ces indices sont assez
typiques de protocoles d’hystériques chez qui l’Oedipe ne serait pas tout
à fait résolu. Cependant, on pourrait à nouveau se demander si ces indices
sont en lien avec la dynamique familiale du sujet ou s’ils relèvent d’une
forme de choc post-traumatique, car la première hypothèse ne se vérifie pas
pour notre population :
Le
chi carré de Pearson égale 1,92 Dans
la seconde hypothèse, on se rappellera que la planche paternelle est celle de
l’autorité, de la loi qui, à un moment donné, ont dû être mal vécues
dans la secte. Au T.A.T., on observe néanmoins une différence intéressante
entre les protocoles des hommes (12/25) et ceux des femmes (13/25), qui va plus
dans le sens de la première hypothèse : les récits des hommes sont plutôt
empreints de mouvements identificatoires, de transmissions de savoirs dans une
perspective de filiation (7/12) tandis que les récits des femmes sont
conflictuels, avec des personnages masculins porteurs d’intentions nuisibles
ou intrusifs (6/13). Exemples : - Vincent à la planche 7BM : "le patron d’un commerce, d’une horlogerie qui décide d’auditionner des candidats pour un poste d’aide-horloger. Il en voit plusieurs. Il en élimine…Finalement, il en engage un qu’il va former et qui deviendra patron à son tour." ; -
Marie à la planche 6GF : « C’est une discussion… la femme n’a
pas l’air très heureuse… l’homme est plutôt inquiétant, il y a une
animosité contre le personnage masculin qui est vraiment inquiétant et qui
n’a pas une attitude bienveillante.". Cette différence tend à montrer que l’Oedipe se joue différemment chez les hommes que chez les femmes. Ce qui n’est pas vraiment une surprise. Par ailleurs, peu d’ex-adeptes élaborent au T.A.T un récit avec une réelle triangulation (voir glossaire) au sein duquel le conflit oedipien est dépassé (3/25).
Pulsions et libido Les
réponses aux planches renvoyant aux pulsions et à la libido
tendent à montrer que les ex-adeptes sont davantage structurés de manière névrotique.
En effet, à la planche VI du Rorschach, apparaissent majoritairement des réponses
"castration", c’est-à-dire démontrer que l’Œdipe est résolu
(11/25, p. suffisant = 0.098), ainsi que des réponses où la double polarité
de la planche est intégrée, c’est-à-dire où le clivage est dépassé
(8/25). Exemples : -
Carla : "une peau de mouton" ; -
Pierre : "une vue en coupe d’un puits ou d’un forage pétrolier
avec les couches terrestres, les différentes structures de roches rencontrées
au fur et à mesure qu’on creuse.". Ces
indices névrotiques apparaissent plus particulièrement chez les ex-adeptes
provenant de sectes religieuses, alors que les ex-adeptes de sectes guérisseuses
présentent un choc à cette planche, et ceux de sectes psychothérapeutiques
des réponses à caractère phallique (Alors que les réponses "castration"
mettent l’accent sur l’impuissance du sujet face à l’imago paternelle et
ses équivalents, les réponses phalliques mettent l’accent sur sa puissance).
On peut supposer que dans ces sectes, la pensée magique, la survivance de la
toute-puissance infantile rendent plus malaisées l’acceptation de
l’angoisse de castration :
Le
chi carré de Pearson égale 32,045 D’autre part, la planche II du Rorschach, planche de l’émergence pulsionnelle, semble poser problème à 9 sujets de l’échantillon, puisqu’ils présentent un choc à cette planche. Par ailleurs, 8 sujets sur 25 répondent avec des contenus agressifs et 11 sur 25 avec des contenus plus libidinaux, tandis que 6 sur 25 ne donnent pas de réponses lisibles, comme si les sujets ne savaient pas quoi faire de leurs pulsions (difficultés de mise en scène). Le caractère non lisible ou agressif des réponses laisserait supposer une difficulté des sujets face à l’angoisse de castration. Les
récits au T.A.T. sont très défensifs, axés davantage sur la tendresse ou
l’étayage que sur la sexualité génitale, et ce particulièrement à la
planche 10 pour 17 sujets sur les 25 (p. très significatif = 0.000). Exemple :
-
Béatrice : "Un couple, enfin, un homme et une femme. Il s’est
passé quelque chose de triste… La femme aurait perdu son père ou sa mère et
le mari la consolerait…confiance, calme, sérénité." -
Victor : "Un couple, deux personnes qui s’aiment énormément…
des gens qui ont vécu. Ils ne se parlent pas. Deux parents qui s’aiment et
qui se tiennent dans les moments difficiles." Pour mémoire, la planche 10 met en scène un homme et une femme très proches l’un de l’autre, qui semblent de même âge. Notons que 6 sujets sur 25 élaborent un récit au sein duquel apparaît un rapproché parent-enfant, ce qui laisse supposer un conflit oedipien non structuré (confusion des générations). La
planche 13MF par contre, donne lieu à des récits plus "pulsionnels"
(versant libidinal ou agressif), certains avec Surmoi, le stimulus empêchant
moins les défenses (6/25). En
résumé, la vie pulsionnelle semble dans une certaine mesure poser problème,
et ce parallèlement à une difficulté de gérer la vie relationnelle et
affective comme l’ont déjà montré certains indices quantitatifs ainsi que
des difficultés à donner des réponses lisibles aux planches à symboliques
relationnelles. Au
Rorschach, les planches couleurs VIII (qui interroge les relations
superficielles) et IX (qui interroge les relations profondes) suscitent des
chocs pour 13 sujets sur 25. Apparaissent des réponses telles que : -
Josiane à la planche VIII : "Une fausse couche, je n’aime pas
cette image-là…" ; - Julien : refus de la planche IX ; ainsi
que des pseudo-réponses (commentaires, descriptions) : -
Marie à la planche IX : "Il y a beaucoup de choses…C’est une
action commune, beaucoup d’énergie dépensée sans pour autant que ça
aboutisse à quelque chose.". Remarquons
également une corrélation entre ces chocs et le besoin religieux "de
type 1" c’est-à-dire le mouvement compensatoire face à un sentiment
de détresse :
Le
chi carré de Pearson égale 10,202 De
ces indices, et d’autres, on peut déduire que la gestion des conflits semble particulièrement problématique. Ici aussi, la secte a pu jouer un rôle. En effet,
la relation d’adepte à adepte est sous certains aspects plus simple que de
personne à personne, parce qu’il s’agit d’une relation avec un même que
soi (même si cela est illusoire). On peut dès lors penser que le deuil de la
fusion n’est pas fait, que l’Oedipe reste problématique et pas tout à fait
résolu. Néanmoins, la relation d’adepte à adepte est également vécue de
manière conflictuelle, sans doute à cause de la dynamique de surveillance réciproque
qui existe dans les sectes, susceptible de créer une ambiance de suspicion.
Ainsi, un autre phénomène de répétition peut être mis en évidence :
l’adepte rejouerait au sein de la secte quelque chose de sa difficulté à gérer
les conflits. La position dépressive fait défaut chez la plupart des ex-adeptes. Si le manque est reconnu, les ex-adeptes adoptent face à la perte de l’objet une attitude passive (19/25, avec un p. très significatif = 0.009). Par objet, il faut entendre tout équivalent maternel faisant envie. Se joue ici la difficulté du sujet à admettre l’altérité, c’est-à-dire la distance infranchissable séparant le sujet de ses objets. L’ex-adepte plonge dans la dépression (consécutive à la perte de l’objet) mais n’arrive pas à en sortir ou à en faire grand chose. Exemple : - Josiane à la planche 3BM : "Un gosse qui a du chagrin et qui s’est endormi en pleurant… interdiction de sortie, de faire ce qu’il a envie, il pleure dans son petit coin." ; - Patrick à la planche 3BM : "Une femme qui pleure son mari. Elle se serait disputée et est abattue parce qu’il est parti… pleure sur son sort, ne sait pas comment va se passer son avenir, se demande comment vivre sans." Les hystériques (4/6) abordent le deuil de manière plus active (à cause de la dimension plus conflictuelle de leur rapport à l’imago paternelle ?). Rappelons que le deuil dont il est question ici est parfois un décès, mais le plus souvent un deuil symbolique (problèmes de santé, difficultés professionnelles ou dans le cursus des études, souffrance conjugale, souffrance dans la famille d’origine, manque existentiel, spirituel ou vis-à-vis de la société) !
Le
chi carré de Pearson égale 8,431
L’Oedipe Nous avons déjà mis en doute, pour cette population d’ex-adeptes, le dépassement de l’Oedipe. L’analyse des planches 1 et 2 du T.A.T. s’est avérée pertinente à ce propos. En effet, on observe que 13 sujets sur 25 ( p. suffisant = 0.087) élaborent à la planche 1 des récits plutôt narcissiques au sein desquels apparaît une forme de lutte anti-dépressive. L’angoisse de castration n’est pas franchement reconnue. Exemples : - Serge : "Un petit garçon qui a l’air chez lui. Il y a un engin bizarre… une espèce d’arbalète, ce n’en est pas vraiment une mais bon… Il est bien soigneux, il a eu le temps de mettre son appareil sur une nappe blanche comme ça l’appareil ressort bien. Il a l’air perplexe, il trouvera la solution qu’il cherche." ; - Fabienne : "Un petit garçon avant la répétition ou peut-être sa soirée de gala qui est en train de se concentrer, qui peut-être même demande à Dieu qu’il l’aide. Je vois de l’inquiétude." 8
sujets sur les 25 reconnaissent bien l’immaturité fonctionnelle de l’enfant
de la planche 1. Néanmoins, les récits sont souvent "motivés"
par une dimension surmoïque. Exemple : -
Béatrice : "Un enfant qui suit des cours de violon. La leçon se
serait mal passée. Il est assis à son bureau et repense à ce que son maître
lui a dit, a l’air triste, médite sur ce qu’il a appris. Ca lui fera une
bonne leçon pour la prochaine leçon qu’il aura…." Seulement
4 sujets sur les 25 élaborent un récit au sein duquel l’immaturité
fonctionnelle va pouvoir être dépassée par un projet identificatoire, ce qui
signifie, par rapport aux 8 sujets précédents pour lesquels la loi intervenait
comme une contrainte extérieure, qu’ici, elle est intériorisée. La
psychanalyse a démontré que c’est la condition préalable à l’émergence
d’un quelconque désir. Exemple :
-
Pierre : "C’est un enfant à qui on a dit : "Je
voudrais bien que tu apprennes le violon." Les parents voulaient plus que
l’enfant. Il était, peut-être, emballé, au début, puis il a eu des
difficultés, et il en a eu marre. Il regarde son violon et se dit : "Je le fais pour moi ou pour mes parents ?". Comme souvent
quand on est jeune, on commence une activité parce qu’on a un modèle.
L’enfant se dit qu’il va essayer de persévérer et grâce à ça, il a pu
apprendre à jouer tout en gardant son plaisir." Quant à la planche 2, on observe que 3 sujets élaborent un récit sans triangulation, 14 avec triangulation, ce qui est un indice névrotique (p. significatif = 0.026), mais la plupart du temps sans référence à la différence des sexes et des générations, ce qui est déjà moins névrotique, quoique non déterminant. On trouvera un élément d’explication à cette contradiction dans la seconde partie de cette recherche, avec le concept d’incestuel.
Exemple : -
Sylvain : "Une jeune fille rentre de l’école dans sa maison à la
campagne. Une histoire d’amour entre elle et l’homme qui au lieu d’aller
à l’université travaille à la campagne. Et une femme se met entre eux. Elle
n’est pas tout à fait d’accord pour cette relation, peut-être jalouse…." Seulement
8 sujets sur 25 construisent un récit au sein duquel apparaît une
triangulation pleinement oedipienne. Exemple : -
Béatrice : "A une époque lointaine, quand les gens travaillaient
dur. Ceux qui voulaient étudier, les familles n’avaient pas d’argent, il
fallait que les enfants travaillent. Une dame qui boude sa fille qui préfère
étudier que d’aider son père dans les champs. Elle a sa volonté de
continuer à étudier…. Elle aura une bonne situation et pourra peut-être
aider ses parents financièrement." 5. Diagnostics Si
l’on se penche sur les diagnostics qui ont été posés pour cet échantillon
d’ex-adeptes, on observe la répartition suivante :
Comme
déjà dit, la structure de personnalité des ex-adeptes rencontrés est le plus
souvent névrotique. Un diagnostic secondaire peut également être posé :
On
observe que certains ex-adeptes présentent des indices de choc post-traumatique
et/ou de dépression. On observe également la présence de thèmes de doubles,
de réponses "Symétrie" et de réponses en miroir pour 12
ex-adeptes, pouvant être autant d’indices de clivage. La répartition de la
présence de tels indices en fonction des diagnostics est significative.
Le
chi carré de Pearson égale 11,289 Nous
savons que le clivage est un mécanisme prégnant dans les groupes dits
sectaires. Il scinde le monde en bons ou mauvais objets, permet à l’adepte de
nier l’ambivalence de l’objet et d’ainsi éviter la complexité
relationnelle d’un objet à la fois aimé et haï. Nous ne sommes pas étonnés
de le voir apparaître plus souvent chez les hystériques à tendance
narcissique et chez les états limites. Par contre, nous nous serions attendu à
en trouver moins chez les obsessionnels, quoique nous sachions par ailleurs
qu’ils sont plus nombreux que les autres, dans notre population, à souffrir
de stress post-traumatique. Il est vrai aussi qu’il existe un certain nombre
de points commun entre les réminiscences post-traumatiques et les ruminations
obsessionnelles. 6. Tentative de conclusion Si
l’on se limite à l’analyse des diagnostics, qui montre que la majorité des
ex-adeptes de notre échantillon présente une personnalité de type névrotique,
l’idée fréquente selon laquelle les sectes charrieraient une population
d’individus psychiquement fragiles est peu convaincante. Néanmoins, nombre de
nos observations tendent à montrer l’existence, dans notre population
d’ex-adeptes, de certaines failles :
On observe également que la plupart des ex-adeptes ont vécu un an maximum avant leur adhésion un deuil réel ou symbolique (problèmes de santé, difficultés professionnelles ou dans le cursus des études, souffrance conjugale, souffrance dans la famille d’origine, manque existentiel, spirituel ou vis-à-vis de la société). Aussi , ces individus présentaient au moment de leur adhésion des mécanismes de défense déforcés. Les deuils vécus, résurgence de la position dépressive, rappellent l’ambivalence de l’objet. Le principe de plaisir est confronté au principe de réalité. Il existe un manque. Le Moi est fragilisé. La
rencontre de la secte, qui fonctionne de manière parano-schizoïde c’est-à-dire
en deçà de l’acceptation du manque, offre à l’adepte des satisfactions
immédiates. La pensée magique prime sur la castration. Cette rencontre avec la
secte permet à l’adepte de régresser à des modalités de fonctionnement
oral (y compris – et c’est très surprenant – dans le cas des personnalités
obsessionnelles. Nous avons, en son temps, posé l’hypothèse que les rituels
sectaires provoquaient une sorte d’hystérisation des adeptes (Maes, 1998).
L’adepte est materné, une ligne de conduite lui est offerte, une nouvelle
filiation le relie à la secte-mère et au gourou-père. Ce "grand-tout
asexué" qui nie les différences – et en particulier la différence
des sexes dans certains de ses aspects - l’aide, par ailleurs, dans la gestion
de sa vie affective et sexuelle. Un objet totalement bon – non ambivalent -
est retrouvé. Mais
cette régression n’est pas réellement thérapeutique. Après l’adhésion,
de nouveaux manques viennent se substituer au manque initial qui a pu motiver
l’adhésion. Sur 16 ex-adeptes interrogés, 12 d’entre eux reconnaissent
avoir vécu un manque après leur adhésion (manque individuel ou par rapport au
couple, à la famille, à la société, etc. On en saura plus long avec la
seconde partie de cette recherche). Leur Moi ne s’était pas réellement
resolidifié (F%, F+%, etc.). de plus, le départ de la secte confronte également
l’adepte à un nouveau deuil, celui d’une illusion à laquelle il a consacré
plusieurs années de sa vie. 6. Epilogue Notre recherche est modeste, particulièrement par la taille de notre échantillon. L’étendre à un échantillon plus vaste serait pertinent, en ce sens qu’il permettrait sans doute de dégager un plus grand nombre d’indices significatifs. Néanmoins, nous espérons que notre travail puisse avoir répondu à certaines questions et inspirer d’autres initiatives de recherche.
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